Depuis la fin des années 90, les entreprises du secteur de l’IT perpétuent les innovations et n’ont de cesse de renouveler leurs produits et leurs services pour proposer des solutions toujours plus performantes. Elles favorisent un paradigme technologique, selon lequel ces innovations dirigent la société et influent directement sur nos modes de travail.
Aujourd’hui, s’il est vrai que les logiciels et les services se sont modernisés, il n’en est pas toujours de même pour les éditeurs et les ESN. Les professionnels de l’IT sont encore trop souvent concentrés sur leurs problématiques internes et suivent un modèle “product-centric” : ils structurent leur activité autour de leurs offres (logiciel ou service IT) et les métiers organisent leurs tâches en fonction des directives de leur structure.
Pour se démarquer sur un marché concurrentiel, cette approche n’est plus suffisante. Il est impératif pour les entreprises IT de repenser leur stratégie et de prendre un virage à 180° pour adopter une posture “customer-centric” : elles changeront alors de paradigme pour laisser leurs clients diriger leur activité, et structureront leur développement autour de leurs attentes et de leurs besoins.
Partie 1
Vous l’aurez compris, le modèle “product-centric” pourtant prisé par les éditeurs et ESN depuis des années est aujourd’hui un frein à leur développement.
Tout d’abord, c’est une menace pour leur santé économique. À la différence des années 90, il y a aujourd’hui beaucoup d’options dans le choix des logiciels et services informatiques. L’offre est bien plus forte que la demande, et une entreprise qui ne s’assure pas de respecter au mieux les besoins de ses clients et prospects est assurée de rater des opportunités, au profit de la concurrence. Privilégier les problématiques de l’entreprise en délaissant celle des clients, c’est risquer de disparaître à leurs yeux et mettre en péril la stabilité financière de la structure.
Autre désavantage pour les professionnels du secteur de l’IT : occulter les attentes des clients rend le pilotage stratégique de l’entreprise incertain. Nous arrivons à un tournant décisif, où “innover pour innover” n’est plus une perspective de développement suffisante. Les évolutions technologiques sont si nombreuses qu’il est désormais impossible de se démarquer dans ce secteur en se basant uniquement sur les performances de son logiciel ou la qualité de ses services. L’entreprise moderne doit impérativement considérer les attentes de ses clients dans sa stratégie, sans quoi elle risque de stagner et d’interrompre son développement.
Enfin, ne pas inclure le client dans les réflexions des métiers les prive d’une ressource organisationnelle précieuse et n’incite pas les différents pôles de l’entreprise à interagir entre eux. Si la relation client n’est pas une priorité commune à toute l’entreprise, l’activité de l’ensemble des équipes peut en pâtir : des développeurs, au service client, en passant par la direction commerciale et les fonctions support. Pour illustrer ce propos, citons un exemple connu du secteur de l’IT : celui d’Elon Musk. Ce dernier, ayant bien compris l’importance de donner un objectif commun à ses collaborateurs, ajoute souvent un siège vide autour de la table, lors de chaque réunion de pilotage qu’il dirige. Le siège vide rappelle symboliquement la place que le client doit occuper dans la stratégie de l’entreprise, et invite naturellement à l’inclure dans l’approche de l’activité des métiers.
Pour ne pas se faire devancer, il est grand temps de revoir nos pratiques !
Partie 2
Le changement dans la vision stratégique des éditeurs et des ESN a beau être un facteur crucial de leur développement, il n’est reste pas moins fastidieux. L’entreprise IT qui souhaite passer le cap devra nécessairement prêter attention à certains points déterminants.
En premier lieu, accompagner les métiers dans les changements qui impactent leurs pratiques est un passage obligatoire pour la réussite du projet. Car si les équipes techniques maîtrisent à la perfection le langage du développement et de la création de services, elles sont beaucoup moins à l’aise lorsqu’il s’agit de dialoguer avec les clients. Pourtant, ce sont bien ces derniers qui sont amenés à orienter leur activité au quotidien ! Il est donc primordial de les habituer à changer de posture, à considérer davantage les problématiques de leurs cibles et à les intégrer efficacement dans leurs missions.
Ensuite, il est déterminant de développer l’agilité de l’entreprise. C’est encore plus vrai dans le domaine de l’IT où les projets sont complexes, et demandent de grosses contraintes organisationnelles. Repenser son mode de fonctionnement autour des clients demande beaucoup plus d’adaptabilité que d’être centré sur des problématiques internes. Pour suivre le rythme et l’évolution de leurs attentes, il faut reconsidérer les workflows de l’entreprise. Laisser davantage de souplesse et d’autonomie aux métiers leur permet d’appréhender un champ de problématiques élargi, et d’absorber une charge de travail plus soutenue, et surtout correctement orientée client.
En dernier lieu, c’est le responsable marketing qui aura un rôle à jouer dans ce virage stratégique. Avec des outils qui lui sont propres, la construction d’un persona et le repositionnement de l’entreprise sur son marché, il est le principal moteur autour duquel doit s’articuler le reste de la structure. Son expertise et sa prise de recul donnent un sens concret à l’approche “customer-centric”. Il est le mieux placé pour initier un dialogue interne à l’entreprise IT, et doit endosser la posture de pivot entre les métiers et les clients.
Partie 3
Illustrons ce que s’éloigner de l’approche “product-centric” peut représenter, pour différents métiers.
Pour les équipes techniques, il s’agira avant tout d’orienter la R&D autour des besoins réels ressentis par les clients. Pour cela, elles devront pouvoir compter en temps réel sur le soutien du responsable marketing, et s’appuieront sur le persona qu’il aura défini pour être au plus près de la demande du marché et des points de douleur recensés.
Les équipes commerciales, quant à elles, changeront de paradigme lors de la définition de la politique de pricing par exemple. Le prix d’un logiciel ou d’un service ne devra plus être dirigé par l’habituel trio coût temporel, coût financier et coût RH, mais par la valeur que les clients lui donneront eux-mêmes. Dans les faits, cette valeur perçue par les clients dépendra en grande majorité de leurs points de douleurs et de la somme qu’ils sont prêts à dépenser pour s’en débarrasser. Plus les éditeurs et ESN répondront à des problématiques précises et préoccupantes pour leurs clients, plus grands seront leurs bénéfices.
Enfin, les fonctions support devront accepter que ce ne soit pas au client de se soumettre aux process de l’entreprise, mais à elles de personnaliser leurs services et leurs relations à la demande (solvable) du client. Par exemple, une prise en charge des tickets de supports en 48h n’a pas de sens, lorsqu’on réalise que certains segments de clients ont le besoin incompressible de résoudre leurs problèmes en 12h, et que d’autres estiment qu’une réponse sous 5 jours est suffisante. Ce choix des 48h résulterait d’une logique “product-centric” et serait représentatif des ressources internes dont dispose le service client, mais ne répondrait pas aux exigences des clients : il génèrerait donc de l’insatisfaction chez les uns et un effort sans gain de valeur perçue pour les autres.